Au tombeau d’Ernest

Une fois le sommet atteint, la longue redescente s’impose. Phase obligée et parfois déprimante. Pour nous, elle s’apparente à un retour vers le Pacifique, jusqu’à la cité d’Oakland. Mais un retour ponctué d’étapes utilitaires – nous voici de nouveau dans l’Amérique hors des guides.

Entre Yellowstone et Bellevue, Idaho

Entre Yellowstone et Bellevue, Idaho

Revoici donc le Montana et une ville nommée Dillon, si loin du train-train des voyageurs. Un endroit d’emblée accueillant, alignant boutiques au service des passions premières de la région – la chasse et la pêche.

Un drôle de supermarché pour cow-boys attire notre attention. Nous y entrons : c’est une sorte de Bricorama où les tondeuses à gazon sont remplacées par des selles de cheval, les rouleaux à peinture par des balles de fusil et le rayon sanitaires par une galerie de Stetsons.

Le Montana a d'incroyables talons

Le Montana a d’incroyables talons

On trouve même des produits pour l’arrière-train, servis par un visuel aussi vulgaire qu’explicite. Mais on peut le comprendre, le métier de garçon vacher a ses côtés sombres. Pardon pour les admirateurs de la Chevauchée fantastique, mais si ça se trouve, même John Wayne devait soigner ses miches.

Monkey business

Monkey business

Sur le chemin de l’Idaho, l’état fier de ses patates, nous croisons le panorama lunaire de Craters of the Moon. Des scories noires à perte de vue n’en finissent pas d’accrocher l’œil. Encore le fait de volcans, mais avec un résultat tout à l’opposée de Yellowstone. On chercherait en vain par ici des chaudrons infernaux aux fragrances d’œufs pourris jouxtant de verdoyantes pairies bisonnantes. L’endroit peut séduire cependant : en dépit de son éloignement de tout, les visiteurs sont là, attirés par des randonnées au sein de ces écorchures telluriques.

Craters of the Moon

Craters of the Moon

Notre destination du jour : Bellevue, dans l’Idaho. Encore un nom français, comme on en voit tant par ici : Dubois, Nez Percé, et peut-être Grand Teton, chose que certains entêtés aiment à soutenir. Mais pourquoi Bellevue, qui d’ailleurs ne se prononce pas du tout Bellevue ? Parce que c’est le seul endroit où nous ayons  pu dénicher un hôtel abordable. Contre toute attente, la région est courue par du beau monde. Dans la Sun Valley toute proche se réunissait le gratin de la scène américaine – Eroll Flynn, Gary Copper, Marylin Monroe, pas mal d’autres vedettes et quelques Kennedy. On avait fait de cette vallée encaissée entre des monts drus une station de sports d’hiver, qui devait persévérer dans sa vocation pour gens de la haute. La Sun Valley offre désormais toute la panoplie des attractions pour villégiateurs bobos et fortunés, maisons de haute couture, cafés bios et restos sélect.

Une chose cependant rend l’endroit attachant. Hemingway y avait ses habitudes. Ici, il acheva Pour qui sonne le glas, avant de faire sonner le glas pour sa propre personne. Un petit mémorial baigné par un ruisseau lui rend hommage en pleine nature. Sa tombe, à quelques kilomètres de là dans le cimetière de Ketchum, est plus difficile à dénicher. Elle se trouve dans un coin ombragé, recouverte d’offrandes de circonstance : bonnes bouteilles, articles de pêche et tapis de pièces de monnaie. Sans doute en évocation de l’unique sou qu’il put sortir de ses poches à Key West, en réponse à son épouse d’alors qui avait fait creuser une piscine pharaonique. Mais Ernest en avait : il devait bien vite remonter la pente pour atteindre d’autres sommets.

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