Death Valley

Le Désert de la Mort porte-t-il bien son nom ? Tout d’abord, en anglais, on parle de vallée (Death Valley) ; et la macabre référence évoque les temps héroïques de pionniers et non la réalité observable d’une nature bien vivante et pleine de diversité.

Mais on ne peut se départir ici de l’idée de mort. On se demande comment des hommes au XIXe siècle purent traverser cette région et même s’y installer. La température à 11 heures du matin est de 50 degrés Celsius. La chaleur n’est pas qu’insupportable : elle vous étreint, vous sonne par surprise tandis que mille morsures de feu vous font mettre genou au sol ; c’est alors que la fournaise vous assomme de son poing de braise.

On ne compte plus les cas de ces promeneurs insouciants partis à la découverte d’une étendue pittoresque et incapables de retourner à leur véhicule. Rendus knock-out par la touffeur, ils ne purent rebrousser chemin à temps et tombèrent pour ne plus se relever. Le phénomène est si brutal qu’on retrouva même des cadavres encore munis de leurs gourdes intactes. Avoir de l’eau, beaucoup d’eau, est nécessaire ; encore faut-il la boire, en grandes quantités et sans arrêt, sous peine de voir ses fonctions vitales faillir les unes après les autres. Sentir poindre la soif, c’est déjà tutoyer le néant.

Les Français paraissent des cibles privilégiées de ce ce jeu de la mort, peut-être en victimes du principe de précaution si prisé dans l’Hexagone. Mais voilà, s’il est entendu chez nous de traiter par un mépris bravache les avertissements divers, ici en Amérique, un panneau «danger» signifie exactement ce qu’il exprime sans fard : vous êtes en danger.

Rien de tout cela ne saurait occulter l’essentiel. La Vallée de la Mort recèle les plus fabuleux paysages que l’on puisse imaginer : déserts de sable et de sel, canyons abrupts et pics dentelés, pêle-mêle ahurissant de roches éventrées et multicolores.

Les visiteurs sont rares, sans doute à cause des faibles capacités d’hébergement, et il arrive souvent que l’on soit tout seul dans un espace écartelé aux quatre horizons. Imaginez un peu : ce parc naturel (et donc protégé avec scrupule) est plus étendu que toute la Corse ! Le téléphone ne passe pas, et le wifi – faiblard – est une exception réservée aux quelques hôtels du coin.

Ici, vous êtes livrés à vous-mêmes, pleinement libres et responsables.

Les températures de cette région de l’extrême font par nécessité que les expéditions se fassent tôt ou en soirée. Par bonheur, ce sont les heures où le soleil rasant met le mieux en valeur ces paysages fantasmagoriques, changeant à chaque instant et déployés à l’infini, si bien qu’ici plus qu’ailleurs toute photo est un mensonge.

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Nous avons parcouru le périlleux Titus Canyon au long d’une piste sinueuse aux roches acérées, criant de surprise à chaque nouveau spectacle offert au détour d’un tournant. Nous avons admiré l’aurore aux Mesquite Sand Dunes marquées par la course des crotales. A Artist’s Drive, nous avons vu le soleil couchant peindre chaque éboulis de teintes surprenantes et chaque seconde renouvelées. Le Ubehebe crater, cette cicatrice d’un cataclysme immémorial causé par l’explosion homérique du magma des profondeurs affleurant une nappe d’eau, nous a laissés sans voix. Une tempête de sable digne du khamsin de Tintin au Pays de l’or noir a posé un voile bistre sur l’horizon cristallin de nos ultimes pérégrinations.

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